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vendredi 22 juillet 2011

Film du 22 juillet

GENESE D'UN QUATUOR

de Pascal Dusapin


Un film de Michel Follin

1998, 52 min


Depuis trente ans, Michel Follin a constitué une œuvre documentaire d’une grande diversité, même si des thématiques récurrentes viennent ordonner ce vaste ensemble et lui donner sa cohérence. Et ceci tout particulièrement pour la musique, passion majeure du réalisateur.

Depuis ses réalisations sur le rock latin en 1981 jusqu’à son film le plus récent, La Fantastique (présenté par ailleurs dans cette programmation montpelliéraine 2011), il n’a de cesse de poursuivre une œuvre fondée sur la fécondité des rencontres et l’importance accordée à la transmission de l’émotion musicale.

Michel Follin exprime cette double condition avec clarté et conviction : « À travers le temps et l’espace, il me plait de voir dialoguer les créateurs, de confronter leur démarche. C’est apparemment un paradoxe pour un cinéaste que de vouloir filmer la musique qui est sans doute le moins visuel des arts. Il serait vain pour le documentariste d’espérer révéler et comprendre l’acte solitaire de composition, un mystère que je préfère laisser à l’imagination du spectateur. Je m’attache à leurs pas, à l’écoute des doutes et des certitudes, aux récits de leurs vies qui, je l’espère, nous rapprochent de leurs œuvres, nous ouvrent à leurs musiques. Tous nous racontent le monde qui nous entoure et comment il s’inscrit dans leur art. Les répétitions, les interprétations, les ambiances des salles et des coulisses, les master-classes, tout ce qui consiste à filmer le travail de la musique et autour de la musique, multiplie les approches et les découvertes dans la création musicale. Sous l’œil de la caméra, partager et restituer ces moments forts avec les interprètes, chefs d’orchestre et compositeurs, c’est aussi prendre conscience pour le documentariste qu’il est un passeur. Mais je n’oublie jamais que je ne fais pas seulement un film pour représenter le réel, mais tendre toujours à rendre visible ce qui ne l’est pas et offrir ce que j’espère être un moment de cinéma ».

Une complicité particulière et humainement très forte associe Michel Follin à Pascal Dusapin auquel il a consacré quatre films. A l’occasion de la création de son Quatrième Quatuor, qui répondait à une commande de Pro Quartet, Pascal Dusapin a travaillé la mise en place de l’interprétation de l’œuvre avec le quatuor Prazak. En donnant aux musiciens des indications d’une précision extrême, le compositeur veut leur communiquer le sens profond de sa musique.

Avec la complicité de la caméra de Michel Follin, entre doutes et certitudes, il livre ses réflexions sur la création. Pour Pascal Dusapin, « la musique ne dit rien, elle n’est qu’une matière qui tente une percée dans le temps ». Jouer cette musique représentait, pour le Quatuor Prazak, grand spécialiste des quatuors de Janacek, de Bartok et des œuvres phares de la seconde Ecole de Vienne, une confrontation nouvelle avec l’univers de la musique contemporaine. Après de longs mois de travail, le dialogue avec le compositeur est capital pour posséder les clés de l’interprétation. Ils acceptent de se laisser guider et de dépasser leurs considérables possibilités techniques pour chercher de nouvelles sonorités et répondre aux exigences du compositeur. De son côté, celui-ci confie que ces interprètes de très haut niveau lui ont permis de redéfinir son travail. Et il sait, à présent, que les « sonorités suaves et rauques » d’Europe Centrale, caractéristiques des Prazak, sont celles dont il avait toujours rêvé pour ce Quatuor.


PRESENTATION DE LA SEANCE

ET DEBAT AVEC LE PUBLIC


















DES DOCUMENTS POUR ALLER PLUS LOIN

Pascal Dusapin

Né en 1955 à Nancy, Pascal Dusapin fait ses études d’arts plastiques et de sciences, arts et esthétique à l’Université de Paris-Sorbonne. Entre 1974 et 1978 il suit les séminaires de Iannis Xenakis ; 1981-1983 il devient boursier de la Villa Médicis à Rome.

Il reçoit de très nombreuses distinctions dès le début de sa carrière de compositeur. Parmi elles, en 1994 le Prix Symphonique de la SACEM, en 1995, le Ministère de la Culture lui décerne le Grand Prix National de Musique et en 1998 le Grand Prix de la Ville de Paris. Enfin, la Victoire de la Musique 1998 lui est attribuée pour le disque gravé avec l’Orchestre National de Lyon, puis de nouveau en 2002, comme « compositeur de l’année ». En 2005, il obtient le prix Cino del Duca remis par l’Académie des Beaux-Arts. Il est Commandeur des Arts & Lettres. Il est élu à la Bayerische Akademie der Schönen Künste en juillet 2006.

En 2006 il est nommé professeur au Collège de France à la chaire de création artistique. En 2007, il est lauréat du Prix International Dan David, un prix international d’excellence récompensant les travaux scientifiques et artistiques et qu’il partage avec Zubin Metha pour la musique contemporaine.

Il est l’auteur de nombreuses pièces pour solistes, musique de chambre, grand orchestre et opéras. À l’automne 2002, ont été créés successivement A quia, concerto pour piano et orchestre (commande des Beethoven Fest de Bonn) et le cycle complet de ses Sept études pour piano.

L’Orchestre Philharmonique de la Scala de Milan qui lui en avait passé commande, a créé le 21 février 2005 sous la direction de James Conlon une suite pour orchestre intitulée Perelà Suite tirée de son opéra Perelà, uomo di fumo.

Son Quatuor V, commande du Muziekgebouw aan’t Ij, du Berliner Philharmoniker et de la Cité de la Musique a été créé le 15 juin 2005 au Concertgebouw d’Amsterdam par le Quatuor Arditti. L’œuvre a été créée en France le 5 novembre 2005 dans le cadre de la deuxième biennale des Quatuors à cordes de la Cité de la Musique (au cours de laquelle tous ses quatuors ont été interprétés).

Son Solo n° 6 pour grand orchestre intitulé Reverso (2005-2006) a été créé le 1er juillet 2007 au Festival d'Aix en Provence par l'Orchestre Philharmonique de Berlin, placé sous la direction de Sir Simon Rattle à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle salle de concert du festival.

Il inscrit également cinq opéras à son catalogue :
Roméo & Juliette (1985-88) – Création 1989 à l’opéra de Montpellier
Medeamaterial (1991) – Création 1992 à l’opéra de la Monnaie de Bruxelles
To be sung (1992-93) – Création 1994 à Nanterre/Amandiers

Perelà, uomo di fumo (2002) commande de l'Opéra National de Paris a été créé à l'Opéra Bastille le 24 février 2003 sous la direction de James Conlon et mis en scène par Peter Mussbach. (Prix 2003 du syndicat de la critique)

Faustus, The Last Night – Création le 21 janvier 2006 au Deutsche Staatsoper de Berlin (Unter den Linden). Reprises en mars à Lyon et en novembre 2006 au Théâtre du Châtelet à Paris. Cet opéra a été créé aux USA le 27 mai 2007 dans le cadre du Spoleto Festival USA à Charleston (SC) sous la direction de John Kennedy, mise en scène de David Herskovits. Un nouvel opéra, Passion, commande du festival d’Aix a été créé en juillet 2008.

Le DVD de son opéra Faustus, The Last Night a reçu le prix de la création 2007 lors des Victoires de la Musique décernées à Paris le 28 février 2007 et a également reçu le « Choc du Monde de la Musique ».

Les œuvres de Pascal Dusapin sont publiées par les Éditions Salabert (Universal Music Publishing France) et principalement enregistrées chez Naïve/Classic.

Voir la page sur le site de l'Ircam

© Éditions Durand-Salabert-Eschig (Universal Music Publishing France), 2007


La chaire de création artistique au Collège de France


Pascal Dusapin a été nommé professeur à la chaire de Création artistique du Collège de France pour l'année 2006-2007.

Pour en consulter les documents relatifs, il est possible d'y accéder par les liens ci-dessous :

Programmes des cours et séminaires 2006-2007
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Résumé des cours 2006-2007
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Extrait de la leçon inaugurale de Pascal Dusapin,
prononcée au Collège de France le 1er février 2007




Le Quatuor Prazak

Pavel Hula, violin
Vlastimil Holek, violin
Josef Kluson, viola
Michal Kanka, cello

Le Quatuor PRAZÁK s'est constitué, comme fréquemment pour les ensembles de Bohême, durant les études au Conservatoire de Prague de ses différents membres (1974-78).

En 1978, le Quatuor remporte le Premier Prix du Concours International d'Evian, puis le Prix du Festival du Printemps de Prague l'année suivante. Ses membres décident alors de se consacrer totalement à une carrière de quartettistes. Ils travaillèrent à l'Académie de Prague (AMU) dans la classe de musique de chambre du Prof. Antonín Kohout, le violoncelliste du Quatuor Smetana, puis avec le Quatuor Vlach, enfin à l'Université de Cincinnati auprès de Walter Levine, le leader du Quatuor LaSalle. Ils suivirent alors les traces des ensembles désireux de se familiariser avec le répertoire moderne, en particulier de la 2° Ecole de Vienne.

Aujourd'hui, les "Prazák" se sont imposés dans tout le répertoire d’Europe Centrale, que ce soit celui des oeuvres de Schönberg, Berg, Zemlinski et Webern qu'ils programment lors de leurs tournées en Europe (en particulier en Allemagne) conjointement aux quatuors de la 1° Ecole de Vienne, ceux de Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert, dans celui de la Bohême-Moravie d’hier et d’aujoiurd’hui, les oeuvres de Dvorák, Smetana, Suk, Novák, Janácek, Martinu, Schulhoff...ainsi que des compositeurs contemporains qu'ils analysent à la lumière de leur expérience du répertoire international, de Haydn à Webern.

Suite à leur contrat d'exclusivité avec le label PRAGA DIGITALS, ils se sont fait connaître au plan mondial et se sont définitivement hissés au premier rang des ensembles internationaux, à l'instar de leurs aînés américains (Juilliard et LaSalle) et européens (Alban Berg Quartett). Ils ont réalisé une intégrale des Quatuors de SCHÖNBERG (1995-2010), BERG, BEETHOVEN (2000-2004), BRAHMS (2005-6) qui les a fait reconnaître mondialement comme un des ensembles les plus homogènes d’aujourd’hui et leur interprétation, engagée et virtuose, a fait l’unanimité auprès de la critique spécialisée.

En 2010, un problème de santé a conduit au remplacement de Václav Remeš—membre fondateur avec le violoncelliste Josef Pražák (auquel avait succédé Michal Kaňka en 1986) —par Pavel Hůla, un de leurs amis et condisciples depuis 1971 à l’Académie de Musique de Prague (HAMU) où il est lui-même professeur de violon et de musique de chambre.

Prononcez "Prajâque"

Biographie publiée sur le site officiel du Quatuor Prazak


Entretien avec Michel Follin à propos de la spécificité des films sur la musique

à l'occasion de la sortie de Une aventure musicale (2010)


Une aventure musicale, entretien avec Michel Follin, par Gaëlle Plasseraud – Accents n° 32, le 28 mai 2010


Vous avez réalisé de nombreux films sur la musique. Qu’est-ce qui vous a amené à emprunter cette voie ?

J’ai beaucoup travaillé comme chef monteur des films de François Reichenbach, qui réalisait des portraits de musiciens ou de compositeurs pour une série d’émissions de télévision intitulée « Grâce à la musique ». Ces émissions étaient d’ailleurs déjà diffusées à 20h30, c’était un autre temps. Ce fut l’occasion de collaborer avec de nombreux acteurs de la musique classique, comme Karajan, qui avait un regard très acéré sur les montages des films de musique. Je suis devenu réalisateur au début des années quatre-vingt, tout d’abord pour des documentaires à caractère sociologique. Des producteurs se sont souvenus de mon passé de monteur de films sur la musique et ont fait appel à moi pour la série des « Leçons particulières de musique » que diffusait La Sept. J’ai ensuite continué à travailler régulièrement sur la musique, en réalisant notamment un premier portrait de l’Ensemble intercontemporain en 1991, Solistes ensemble.

Qu’est-ce qui est spécifique aux films sur la musique ?

Les techniques musicales, les gestes des musiciens ne sont pas assez mis en avant au concert, et en particulier dans la musique contemporaine, qui pour moi est une musique qui se voit autant qu’elle s’écoute. Ce que j’espère et que je tente à chaque fois, c’est que la caméra appuie ce geste musical. Je ne suis pas maître de la lumière, je n’ai que celle qu’on me donne sur les scènes, alors que l’interprétation mériterait un travail de directeur photo, à l’instar des scènes théâtrale et chorégraphique.

L’autre difficulté, c’est qu’au départ, je ne suis pas non plus maître de mon scénario. Les musiciens ont un planning, ils ne jouent pas spécifiquement pour la caméra, je profite de leur activité. Ensuite, j’effectue un travail de re-création dans la phase de montage, où là je peux créer une narration autour de ces moments de musique enregistrés pendant les répétitions. Dans Une Aventure musicale, je suis parti des révolutions du début du siècle. Évolution technologique, invention du cinéma, découverte de l’inconscient ont transformé le monde et l’esprit du monde. Au même moment, il se passe aussi une révolution dans l’écriture musicale avec l’apparition de l’atonalité et la création de la Société d’Exécutions musicales privées fondée par Schönberg, qui ressemble étrangement à l’Ensemble intercontemporain. J’ai trouvé intéressant de faire le parallèle et de commencer l’histoire de l’Ensemble par ses ancêtres. La trajectoire musicale du film, qui part de Schönberg, avec le Pierrot lunaire, pour conclure avec le DJ eRikm « recréant » une pièce de Gérard Grisey n’est pas innocente.

L’une des difficultés des films sur la musique, c’est de faire cohabiter deux mondes aux écritures et aux techniques spécifiques. Ce qui a été formidable sur le tournage d’Une aventure musicale, c’est le rapport qui s’est instauré avec l’Ensemble intercontemporain – d’autant que j’avais l’avantage d’en connaître déjà certains « piliers ». Le fait de pouvoir être là sans avoir l’impression de gêner les musiciens a permis de faire que nos deux pratiques coexistent.

Comment se sont construites les images ?

J’ai été frappé par les lieux où j’ai tourné. J’ai désiré mettre en avant cette architecture musicale que l’on ressent dans la Cité de la musique, ses lignes, ses perspectives, les associer à la musique en en faisant surgir la mémoire sur ses murs. Le Kultur und Kongress Zentrum de Lucerne conçu par Jean Nouvel – où l’Ensemble anime chaque année une académie d’orchestre – est également un lieu d’aujourd’hui, parcouru de lignes faites de métal et d’eau. J’y ai vu une modernité, une esthétique qui n’était pas étrangère au répertoire de l’Ensemble,aux écritures musicales contemporaines. De même pour l’entretien avec Pierre Boulez, tourné à la Fondation Vasarely d’Aix-en-Provence : l’œuvre cinétique de Vasarely « dialogue » avec la musique contemporaine.

Seize ans après, comment avez-vous perçu l’Ensemble ?

Très vite, ce qui m’a frappé chez les interprètes, c’est une acuité nouvelle, un rapport au monde qui a évolué. Lors de notre première rencontre, j’avais affaire à un ensemble qui faisait de la musique, interprétait au mieux le texte. Aujourd’hui, il s’agit plus d’une réflexion sur le monde, sans doute liée à la fusion des disciplines – danse, vidéo, musiques actuelles, DJ, rap… On sent que les interprètes ont cette volonté d’ouverture, qu’ils sont aussi interprètes de notre monde. Sans doute est-ce dû aussi aux compositeurs de notre époque : leurs musiques se présentent plus clairement comme une traduction du monde que celles des générations précédentes. Le public « large » aurait du mal avec ces nouvelles écritures ? Il n’aurait pas les repères pour écouter cette musique-là ? Je pense au contraire que ce sont des musiques beaucoup plus simples qu’on ne le croit, mais qui demandent un effort, et d’abord de venir les voir. L’auditeur doit œuvrer, travailler avec son oreille et ses tripes. La musique classique a produit des œuvres sublimes dans lesquelles j’ai plaisir à me « vautrer », mais je suis plus aiguillonné par des choses qui m’interpellent, et la musique contemporaine me questionne. Toute création est politique. Il n’y a pas d’art sans réflexion sur le monde. Cette musique-là, c’est un acte qui a un sens, qui doit interpeller les gens, les faire réfléchir. Ces pièces disent des choses sur aujourd’hui. À ce titre, l’Ensemble intercontemporain est l’une des rares formations qui prennent des risques… et me fassent avancer.

Propos recueillis par Gaëlle Plasseraud
Extrait d’Accent n° 32

Photo © Luc Hossepied