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jeudi 21 juillet 2011

CYCLE "TRANSMETTRE"

Film du 21 juillet

LE PETIT JOUEUR DE TAMBOUR, DE ET AVEC LEONARD BERNSTEIN


Un film de Peter Butler

1985, 85 min


Le chef d'orchestre et compositeur américain Leonard Bernstein (1918-1990) s'identifiait volontiers à la figure de Gustav Mahler, dont le monde entier célèbre cette année le centenaire de la disparition : comme lui, Mahler était juif (mais le Viennois se convertira sous la pression de l'antisémitisme qui bloquait sa carrière), compositeur et chef d'orchestre. De surcroît, la musique (populaire ou "sérieuse") de Bernstein offre, comme celle de Mahler, un étrange melting pot d'influences : tous deux pratiquaient le chaud-froid, l'aigre-doux - en bref la collusion réussie d'éléments hétérogènes.

Bernstein fut un héros du retour régulier de la musique de Mahler au disque et au concert : il est le premier à enregistrer les neuf symphonies (de 1960 à 1967, pour CBS) et à faire rejouer, en 1972, La Cinquième Symphonie à l'Orchestre Philharmonique de Vienne, qui l'avait oubliée depuis... l'Anschluss en 1938. Bernstein, qui, dès 1952, a compris la puissance pédagogique de l'image, a non seulement fait filmer ses concerts mais également certaines répétitions. De 1958 à 1973, il présentait les Young People's Concerts à la télévision, émissions au cours desquelles il révèle toutes ses qualités de pédagogue auprès des enfants et adolescents afin qu’ils découvrent la musique classique de manière accessible et non académique.

Il a aussi été l'animateur inspiré de plusieurs documentaires. Le Petit joueur de tambour, filmé en 1984, est une lettre d'amour à Mahler et cherche dans sa musique les traces de sa judéité conflictuelle (la culpabilité d'être un juif converti et la "culpabilité de cette culpabilité").

« Le judaïsme, affirme Bernstein, est la plus dure des religions, car il n’y a pas de récompense ultime sauf sur terre – pas de promesse d’un au-delà, de royaume des cieux garanti – uniquement la conviction d’avoir l’amour de Dieu si l’on accomplit ses œuvres ». Il démontre aussi que toutes les symphonies de Mahler comportent une marche funèbre et rappelle que même les chansons d’allure populaire sont menaçantes et hantées par la mort. Le propos s'éclaire lorsqu'on entend la marche funèbre sur la chanson Frère Jacques, dans La Première Symphonie, être interrompue par les éclats sonores d'une "musique de mariage juif"... Le compositeur américain fait le tour des neuf symphonies qu'il a dirigées ces quinze dernières années et termine par le magnifique et bouleversant Chant de la Terre, interprété par Christa Ludwig. Le charme de Bernstein, dépoitraillé à son piano, en face de la baie de Tel-Aviv, est irrésistible.

Texte de présentation du catalogue des Films sur la Musique

PRESENTATION DE LA SEANCE




L'INTERVENANT DEBAT PIERRE KORZILIUS

Pierre Korzilius, né en 1964, de nationalité française et allemande, mène en parallèle des études de musicologie et de sciences économiques à Lyon, Saarbrücken et Paris. De 1994 à 1997, il est chercheur associé au Centerfor New Music and Audio Technolgies de l’Université de Berkeley en Californie. En 1997, il succède à Jean-Michel Nectoux comme responsable des activités musicales du musée d’Orsay. En 2003, il dirige l'auditorium du musée d'Orsay. Il a participé aux commissariats des expositions Mallarmé et la musique, Klinger/Brahms, Le Troisième Reich et la musique et Mahler. Depuis 2008, il est conseiller artistique des Nuits romantiques du lac du Bourget et directeur actuel de l'Institut français de Düsseldorf.



RENCONTRE-DEBAT AVEC LE PUBLIC








DES DOCUMENTS POUR ALLER PLUS LOIN


Leonard Bernstein

Consulter son site officiel ICI

Chef d'orchestre et compositeur américain né le 25 août 1918 à Lawrence, Massachusetts, mort le 14 octobre 1990 à New York

Issu d'une famille de juifs russes immigrés, Bernstein, pianiste de talent, chef d'orchestre fougueux, compositeur populaire, va être, jusqu'à sa mort, l'un des personnages les plus en vue de la musique américaine.Diplômé d'Harvard, il étudie le piano et la direction d'orchestre (avec Fritz Reiner) et l'orchestration à Philadelphie. Il fait des arrangements musicaux sous le pseudonyme de Lenny Amber. Chef assistant d'Arthur Rodzinski à l'Orchestre Philharmonique de New-York, il est amené à remplacer Bruno Walter, et c'est le début d'une grande carrière de chef d'orchestre.De 1945 à 1948, Bernstein dirige le New-York City Center Orchestra. En 1953, il est le premier chef américain invité à l'Orchestre Symphonique de la Scala de Milan. Puis encore le premier américain à être nommé directeur musical de l'Orchestre Phiharmonique de New-York (1958). L'Orchestre lui donnera, à son départ, le titre honorifique de «chef lauréat» jamais décerné auparavant. A partir de 1969 Bernstein mène une carrière de chef invité dans le monde entier (Orchestre Philharmonique de Vienne, Philharmonie d'Israël, Orchestre Symphonique de Londres, Orchestre National de France...) et il consacre davantage de temps à la composition.

Comme chef d'orchestre Bernstein a fait connaître la musique contemporaine en créant des oeuvres de Ives, Poulenc, Messiaen, Copland, Henze, Barber... En plus de la composition, les activités de Bernstein ont toujours été multiples : concerts, enseignement, conférences, il joue également en soliste des concertos de Mozart, Ravel et Gershwin, et publie aussi quelques poèmes. La gloire est venue en 1957 lorsque Leonard Bernstein a composé la comédie musicale West Side Story pour Broadway, dont il a été tiré un film. Mais il a écrit aussi des oeuvres pour orchestre (notamment trois Symphonies), de la musique de chambre (Brass music, 1948 ; Red, White and Blues pour trompette et piano, 1984), un opéra (Trouble in Tahiti, 1952), une opérette (Candide, 1955), de la musique sacrée (Messe, 1971), des musiques de scène (Wonderful town, 1953 ; A Quiet place, 1983), et de nombreuses musiques de film...

Le style de Bernstein mêle le jazz, la musique populaire, le choral religieux, les songs, l'opéra italien, la pop music... On retrouve dans ses oeuvres les influences de Stravinsky, Copland, Mahler et Hindemith. Dans un langage universel et accessible, il parvient à traiter certains grands thèmes, celui de la condition humaine, celui de la foi perdue et reconquise.

© Ircam-Centre Pompidou, 2007


Leonard Bernstein et Gustav Mahler

La grandeur de Bernstein en tant que chef tenait à ce qu'il « donnait une nouvelle vie à l'ancien », selon son frère Burton -une démarche récréatrice radicalement différente de celle des interprètes actuels qui privilégient une lecture littérale, au point qu'il semble être le dernier d'une lignée. Il disait souvent que pour lui un concert était réussi lorsqu'il avait le sentiment de composer aussi la musique. Cette relarque était une aubaine pour ses détracteurs, mais elle donne aussi une certaine idée du niveau d'intensité qu'il cherchait en dirigeant, notamment Malher. Dans les lieder plus encore que dans les symphonies, cette combinaison caractéristique du rubato ultra-flexible, d'apparence idiomatique d'un irrésistible élan -l'essence du style malhérien neurasténique, mais aussi messianique- ne pouvait être obtenue que grâce à l'engagement généreux de ses collaborateurs.

Avant même le regain d'intérêt pour Malher, inspiré en partie par le prosélytisme de Bernstein lui-meme, les lieder de Mahler bénéficiaient d'un statut spécial. Au début des années cinqante, le Record Guide de Edward Sackville-West et desmond Shawe-Taylor, habituellement sceptique, écrivait que les meilleurs d'entre eux « parvenaient à une précision extrême dans l'expression de la nostalgie des plafonds bas, de la lumière nocturne chancelante, des champs et des bois, des affections sans ambiguïtés, des terreurs apaisées et des ravissements vifs et fugaces de l'enfance ». Aujourd'hui, l'on voit plus clairement que les lieder servirent de laboratoire pour les symphonies, désormais complètement réhabilitées. Répondant aux moindres implications expressives de la langue, ils intégrèrent également la ligne vocale à un mouvement orchestral potentiellement symphonique, précisément coloré, et de plus en plus contrapuntique.

L'évolution n'est nulle part plus apparente que dans les Kindertotenlieder de 1901-1905. Bien que le choix du texte dans cette œuvre extraordinairement touchante reflète peut-être la mort en bas-âge de plusieurs de ses frères et sœurs, l'intensité émotionnelle dépouillée des lieder pourrait avoir été entièrement inspirée par les poèmes de Rückert. C'est suelement quelques année plus tard qu'une tragédie comparable s'abattit sur la famille Mahler.

Le centenaire de Mahler domina la deuxième saison de Bernstein en tant qu'unique responsable du New York Philharmonic. Alma Mahler elle-meêm assista à certaines de ses représentations, bien que, conformément aux mythes qui avaient été brodés autour d'elle, elle s'interdît d'entendre au moins l'une des œuvres. « Très cher ami, écrivit-elle au chef le 9 février 1960, je ne serai pas à la répétition des Kindertotenlieder […], car je revis maintenant, plus que jamais, mon grand chagrin à la perte de mon propre enfant et de mon illustre mari, qui n'avait plus jamais recouvré ni force ni santé après cette disparition -pas plus que moi-même ! »

En octobre 1968, le protagoniste du cycle était le grand baryton allemand Dietrich Fisher-Dieskau. Bernstein se laissait parfois persuader de travailler abec des « stars » qui lui étaient peu familières, mais obtenait des résultats plus constants avec l'éminente liste de musiciens qui le connaissaient le mieux, et qui allait de Jennie Tourel à Christa Ludwig en passant par Thomas Hampson. Fiescher-Dieskau, l'un d'eux, raconte dans ses mémoires que travailler avec Bernstein n'était pas pour les âmes faibles. Il pouvait se montrer un accompagnateur combatif au piano : « En concert, comme s'il rechignait à commencer à jouer à brûle-pourpoint, il laissait toujours ses mains glisser en silence sur les touches avant que le public n'eût fini d'applaudir son entrée. Se succédaient ensuite des décharges électriques -des rubati continuellement paraphrasés, des nuances toujours surprenantes, quelque chose d'excessivement intime, et qui allait pourtant bien au-delà du bord de la scène- et les chanteurs devaient se montrer à la hauteru de tout cela s'ils coulaient réussir.

Dans l'essai Mahler His Time Has Come, publié dans la revue High Fidelity en 1967, Bernstein, avec son expansivité caractéristique, proposait sa propre explication de l'acceptation tardive de la musique de Mahler : « C'est suelement après avoir connu les fours crématoires d'Auschwitz, lles jungles frénétiquement bombardées du vietnam, après ce qui s'esr passé avec la Hongrie, Suez, la baie des Cochons […], le Black Power, les Gardes rouges, l'encerclement d'Israël par les Arabes, la plaie du maccarthysme, l'absurde course aux armements- c'est seulement après tout cela qu'on peut enfin écouter la musique de Mahler et comprendre qu'elle présageait tout. Et c'est dans cette prédiction qu'elle fit tomber sur ce monde une pluie de beauté qui n' a pas été égalée depuis. » Pour Bernstein, l'oeuvre était à la fois nostalgique et prophétique, résumant, sinon la vie elle-même, la tradition symphonique allemande à laquelle elle mettait un point final. Elle était aussi -extraordinairement- juive.

Du vivant de Mahler, l'antisémitisme était si virulent et si peu voilé que le compositeur se convertit au catholiscisme -un geste qui, selon Bernstein, lui causa beaucoup de tourments spirituels. Il n'est guère étonnant que sa musique ait été dérangeante pour le IIIe Reich, qui requérait le genre d'affirmation teutonique qu'il percevait chez Beethoven, Brahms, Wagner et Bruckner. La musique de Mahler ne présente pas de certitudes morales simplistes. Little Drummer Boy, annoncé comme un « essai télévisé », fut réalisé en 1984, l'année du célèbre documentaire d'Unitel/BBC sur West Side Story. Il fut tourné dans différents lieux, mais il commença à Tel Aviv lors des séances pour Des Knaben Wunderhorn.

Bernstein fait sa démonstration avec un mélange virtuose de faits, de suppositions et de psychologie amateur, présenté de sa voix grave et nasillarde. Il voit l'héritage juif exprimé dans le « mode prhygien larmoyant », dans certains rythmes de danse, dans des motifs d'intervalles et des incursions dans le mode mineur. Aujourd'hui, Uri Caine, musicien de jazz post-moderne, colporte ses caricatures mordantes de ce qui est devenu un langage universellement reconnaissable, replaçant les bribes mahlériennesconnues dans un spectacle de Broadway, un dîner dansant dans les Catskills, un concert de jazz ou de rock. Pour Bernstein et sa génération, la grandeur de Mahler n'était pas quelque chose qu'on pouvait railler ou tenir pour acquis. Le but n'était pas de déconstruire la musique, mais plutôt de montrer comment le génie de Mahler repose sur l'édification de structures symphoniques à partir de matériau de bas-étage.

Ayant défini sa vision du caractère juif de la musique de Mahler, Bernstein explique ensuite que la culpabilité du compositeur aurait été un facteur majeur dans sa vie. A un certain niveau, c'est l'affirmation des racines religieuses du compositeur lui-même et, par analogie, de ses propres craintes et phobies. (…) Pour Bernstein, « le petit tambour » dans Mahler, « cet esprit condamné à mourir est avec nous jusqu'à la fin, rachetant encore.. […] quelque offense depuis longtemps oubliée ».


David Gutman (Texte de présentation du DVD,

Unitel Classica / Deutche Grammophon)


L'Anthologie du Knaben Wunderhorn par Henry-Louis de La Grange

Mahler a découvert Des Knaben Wunderhorn, à la fin de 1887 ou au début de 1888. Le plus surprenant au fond, est qu'il n'ait pas connu plus tôt cette anthologie, d'autant plus que la publication de Des Knaben Wunderhorn [l'enfant au cor merveilleux], dans les premières années du dix-neuvième siècle, a été un phénomène culturel de première grandeur.

Les deux auteurs de l'anthologie étaient issus de milieux très différents. Achim von Arnim (1781-1831) est né à Berlin d'une famille prussienne et aristocratique. Il s'est installé à Heidelberg où, en 1811, il épousera Bettina Brentano, la sœur cadette de Clemens Brentano (1778-1842), qui est lui rhénan, fils d'un marchand de Francfort et de descendance italienne. Spécialiste de littérature médiévale, c'est un écrivain plein de dons, mais un dillettante, un instable, un insatisfait et un tourmenté. D'ailleurs, Arnim et Brentano sont tous deux des "vagabonds" dans le sens romantique du terme: ils voyagent sans cesse de ville en ville, rassemblant ainsi les matériaux nécessaires à leur tâche érudite.

Pour réunir tous les matériaux nécessaires à son projet d'anthologie, Brentano parcourt avec sa sœur Bettina, la Souabe, l'Allemagne du Nord et la Rhénanie. Non seulement ils notent alors plusieurs versions différentes des poèmes de transmission orale, mais ils dévorent inlassablement vieux livres de prières, vieilles chroniques et vieux almanachs, rassemblant ainsi une énorme masse de documents. Le premier volume, dédié à Goethe, est publié en 1805, et le second en 1808. Tous deux sont des succès colossaux, salués comme des actes de patriotisme, à une époque où les allemands sont profondément blessés dans leur amour-propre. Le titre Des Knaben Wunderhorn ("l'Enfant au cor magique") n'est autre que celui du premier poème, une courte ballade d'origine française.

Le Cycle

Les Wunderhorn Lieder avec orchestre sont des Lieder symphoniques de vaste dimensions, appartenant à la même veine que la Deuxième ou la Troisième Symphonie et tellement conçus pour l'orchestre qu'ils perdent beaucoup à être accompagnés au piano. Ils ne constituent pas à proprement parler, un cycle, mais un recueil où leur enchaînement correspond plus ou moins à leur ordre de composition. Quoiqu'il en soit, ils ont entre eux tant d'éléments communs - le style des poèmes, les "thèmes" littéraires, l'atmosphère, sans parler du langage musical, qu'on les chante très souvent ensemble mais rarement dans le même ordre. Leur style très souvent épique les situe dans la tradition des grandes ballades de Schubert et de Löwe. Mieux encore que dans les petits Lieder antérieurs, qui sont bien moins élaborés, Mahler va démontrer à quel point il s'est complètement identifié à l'univers naïf et coloré du Wunderhorn. Il y découvre une image étonnamment forte de l'homme et de sa destinée terrestre, image à la fois humoristique et tragique, et même une vision philosophique, mystique de la condition humaine, plus profonde, plus universelle que chez la plupart des poètes romantiques.


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